3 méthodes de contribution politiques: je suis le seul qui n’a pas compris ?
Tout le monde en politique cherche à se donner une image plus blanche que blanc.
Au moindre pseudo-scandal, on parle de « contributions politiques » ou de « financement sectoriel » et on en fait un débat. Est-ce normal qu’un individu donne 3000$ à un parti politique, est-ce normal ceci, cela, etc…
Tant bien qu’un jour, on (le gouvernement) a décidé d’interdire formellement les contributions politiques provenant d’entreprises. On se disait alors que si seulement les personnes pouvaient donner à un parti politique, elles le feraient sans avoir d’intérêts mercantiles !
Mais voilà, on a découvert que des individus avaient également des intérêts (surprenant ?). On s’est dit qu’on limiterait les dommages, l’utilisation de prêtes-noms, d’enveloppes d’argent, et tout cela; si on limitait à 1000$ par personne.
Première méthode
Une entreprise avait des intérêts et voulait remercier le gouvernement d’une manière ou d’une autre. Elle versait disons 20 000 $ à la caisse d’un parti politique sous forme de chèque. C’était légal.
Si l’entreprise décrochait des contrats, on pouvait faire 1 + 1 = 2 car on pouvait facilement retracer la contribution, et ainsi faire le lien entre les contrats.
Méthode pré-2010
(selon moi, bien sûr)
Supposons un individu avec des intérêts qui voulait donner 20 000 $ à la caisse d’un parti X. Comme il ne pouvait donner que 3000$, il devait trouver 6 prêtes-noms (autre que lui) pour donner au parti. L’individu prête-nom #1 donnait 3000$, le #2 2000$, le #3 3000$ et ainsi de suite.
Vous me suivez ?
Et si cette personne était un peu paresseuse, elle pouvait plutôt ne donner que 3000 $ par chèque au parti, et payer des trucs à gauche à droite en cash pour le parti ou pour des candidats (pour avoir vécu moi-même des transferts d’enveloppes d’argent cash).
Dans ces deux cas, si la compagnie du « donateur principal » avait des contrats, tout ce qu’on arrivait à faire comme parallèle, c’est qu’il n’avait donné que 3000 $. Rien d’exagéré et tout semblait normal.
Méthode post-2010
Ce même propriétaire ou dirigeant d’entreprise veut aider un parti et a 20 000 $ à donner. Cette fois, il ne peut légalement donner que 1000$. Il doit donc trouver 19 autres prêtes-noms ou bien donner 19 000 $ en dessous de la table.
Alors quand on essaie de faire des parallèles entre les contrats obtenus et les dons versés, on ne trouve que 1000$.
Avouez tout de même que c’est une bonne méthode pour ne pas laisser rien paraître !
Selon moi, ne pas permettre aux entreprises de donner, et baisser le plafond des contributions politiques contribue plutôt à cacher les dons, cacher les pistes…
Et vous ?
C’est intéressant comme point de vue, mais je ne peux pas m’empêcher de tirer un parallèle entre ta conclusion et la façon de faire des États-Unis, où la grande majorité du financement des élections est dû aux entreprises. Du coup, on voit des dérapages, par exemple Llamar Smith (R-TX) et SOPA – des décisions sont prises au congrès qui vont à l’encontre des intérêts de la population, dans le but de plaire aux « sponsors » des différents députés. La culture politique Américaine est généralement vaseuse, et je crois que le financement corporatif des candidats est une cause non-négligeable.
En bon idéaliste, j’aimerais croire que le financement 100% public des élections est la seule solution qui garantit un modicum de réussite. Donner à un parti ou un candidat politique sans s’attendre à un retour d’ascenseur, c’est insensé. De plus, permettre aux gens de voter avec leur argent, c’est donner (encore) plus de pouvoir politique aux mieux nantis, ce qui est d’une éthique débatable.
Reste toujours le problème des contributions indirectes. Payer pour des dépenses électorales, ça revient à du financement privé, mais c’est plus subtil et donc moins facilement détectable. On pourrait même considérer « contribution indirecte » le biais offert par les médias: La Presse donne le vent dans les voiles aux libéraux, idem pour le JdM et la CAQ. Aucune stratégie n’est parfaite, il y a toujours moyen pour un magouilleur de faire cadeau d’argent ou d’éminence à un candidat politique.
Je crois qu’on devrait regarder ailleurs afin de jauger de la meilleure stratégie. Ils font quoi dans l’Ouest ou en Europe, et est-ce que ça marche? Donner aux entreprises la liberté de financer des campagnes politiques, c’est cautionner implicitement le retour d’ascenseur et suivre le modèle américain. La solution est ailleurs.
Je déterre ce sujet parce que depuis que ce texte fut écrit, le parti au pouvoir a changé, et les contributions sont passées à 100$ max! La nouvelle loi sur le financement des partis politiques a bien d’autres subtilités, comme une deuxième contribution de 100$ lors d’une campagne électorale, mais bon.
Pour reprendre l’exemple utilisé dans ce billet, si le chef d’entreprise veut mettre 20,000$ dans un parti, il va trouver une subtilité, avec la complicité de son comptable, comme une déduction quelconque sur le chèque de paye de ses employés, remboursée par une contribution tout aussi quelconque, et l’ensemble des employés vont contribuer au parti donné sans même s’en rendre compte! Donnez quelques années aux vrais magouilleurs; ils trouveront une façon de contourner la loi!
Le rapport Moisan (un lien sur http://www.electionsquebec.qc.ca/francais/actualite-detail.php?id=2101 permet d’en obtenir une copie en .pdf), publié en 2006, suite à une enquête demandée par le Directeur général des élections du Québec (DGEQ) concernant des allégations faites devant la commission Gomery, en arrivait aux conclusions suivantes:
– Permettre aux personnes morales (aux compagnies) de contribuer au financement des parti politiques pour un montant maximum de 15 000 $.
– Établir une procédure afin que les contributions de ces personnes soient placées en fiducie et réparties annuellement entre les partis politiques au prorata des votes recueillis lors des précédentes élections générales.
– Hausser les contributions individuelles de 3 000 $ à 5 000 $ et porter le crédit d’impôt à 75 % de 700 $.
– Exiger que toute contribution individuelle soit accompagnée d’une déclaration signée du donateur établissant que le don provient de son patrimoine et ne sera remboursé ni compensé d’aucune façon.
– Exiger que la déclaration du donateur indique les noms et coordonnées de son employeur ou de l’entreprise dont il fait partie à un titre quelconque et dont il tire son revenu.
– Exiger que les dons individuels soient transmis aux partis par la poste.
– Intensifier les inspections et les enquêtes, afin de mieux assurer le respect de la Loi.
– Améliorer la publicité des condamnations obtenues et des amendes payées par les contrevenants.
– Standardiser la production des rapports financiers et des listes de donateurs que les partis doivent déposer annuellement, de façon à en faciliter l’examen et à permettre les recoupements susceptibles de fournir l’information pertinente aux enquêteurs et aux inspecteurs du Directeur général des élections du Québec.
Il y avait, là-dedans, une excellente piste à suivre pour permettre d’une part le financement des partis, et d’autre part le traçage des dons par rapport à des contrats obtenus. Paradoxalement, les partis politiques ont pris la direction diamétralement opposée! Et depuis les débuts de la commission Charbonneau, la chasse aux enveloppes brunes a repris de plus belle! Il faut être dans l’utopie la plus totale pour croire que la diminution des contributions aux partis va ralentir la circulation d’enveloppes brunes!
L’idée de base n’est pas d’empêcher les partis politiques de se financer, mais bien de savoir si certains donateurs profitent d’avantages particuliers. Dans ce sens, il ne faut pas limiter les dons, au contraire. Ce qu’il faut définitivement faire, par contre, c’est que chaque don à un parti soit fait d’une façon à laisser des traces (chèque, carte de débit ou de crédit), et que le parti ait la responsabilité de prouver la provenance de chaque cent qu’il a en sa possession.
Malheureusement, les partis, autant le Parti québécois que le Parti libéral, ont préféré des solutions « tape-à-l’oeil », qui n’apportent aucune solution tangible, mais qui montrent, comme unique bénéfice, qu’ils ont fait quelque chose.
Tu as parfaitement raison Richard.
Ce n’est que du tape-à-l’oeil.
Monsieur madame tout-le-monde qui ne donne pas aux partis politiques pensent que tout est blanc si on ne permet que des dons de 100$… ce qui est tellement faux !
Les partis continuent à se pourlécher, et les donateurs aussi !